La bibliothèque hors les murs
Depuis l’automne 2011, le café-lecture d’Yzeron, c’est un peu « la bibliothèque hors les murs ».
Il est ouvert à tous, adhérents ou non-adhérents à la bibliothèque, et il n’est pas rare que les clients du café où nous nous réunissons une fois par mois, chaque premier lundi à 18h30, se mêlent à nos conversations. La formule est délibérément souple, sans protocole, seuls comptent le plaisir de lire, et le partage des lectures. La seule contrainte est de lire un livre en commun entre deux séances, ce qui permet de lancer le débat. Puis, nous parlons coups de cœur et choisissons un ouvrage à lire pour la prochaine séance, en organisant la circulation des quelques exemplaires possédés par les particuliers ou la bibliothèque.
ÉDITION 2025
Le prix du café-lecture 2025 a été attribué à : « Je suis une île » de Tamsin Calidas !
Découvrez les textes avec tous les titres des livres lus de l’année, écrits par trois participantes :
A Kintgsugi, le monde du bout du monde, sous un ciel d’acier et au crépuscule, les hommes manquent du courage. C’est ce que dit Lucie, l’inconnue du portrait. Mon mari qui se trouve sur la colline qui travaille attend tant que le café est encore chaud de s’apercevoir que je suis une île.
Marie-Paule
Mon mari écoute avec attention ce que dit Lucie au sujet de l’art du kintsugi et plonge un morceau de sucre dans sa tasse tant que le café est encore chaud et le boit.
Puis il se lève et suit la guide dans la galerie du musée où se trouve l’inconnue du portrait. Ce tableau sur fond de ciel d’acier paraît avoir été peint au crépuscule d’un monde du bout du monde !
Le portrait est si vivant qu’il semble nous dire : « je suis une île, mais sûrement pas une colline qui travaille ».
Evelyne
Les tours jumelles sont tombées. A leur place, une colline d’énormes déchets de métal froissé, de poussières et de boues.
Sur la colline, qui travaille ? Un homme seul, perché là-haut sous un ciel d’acier. Il cherche, de l’aube au crépuscule, le tomahawk de son père mort dans cette tragédie.
Tout en cherchant, il prend soin de glisser une photo de sa mère dans une fente d’acier.
Il était dans les premiers à soulever les masses métalliques pour sauver ceux qui pouvaient l’être et retirer les restes de ceux qui sont morts.
Sa fille, Lucie, fut l’une des rares femmes à participer aux recherches. Puis, elle est retournée au village amérindien près de sa mère, veuve inconsolable désormais.
Elle ne se remet pas des horreurs qu’elle a dû affronter lors de l’effondrement et depuis, sa raison vacille.
Elle s’invente le monde du bout du monde et le monde du bout du temps.
Ce que dit Lucie : « Je suis une île » ou bien « La technique du kintsugi embellira le tomahawk de mon grand-père quand on le trouvera dans cent ans peut-être », ou bien encore « Dans un futur très lointain, un musée affichera la photo de ma mère avec une petite étiquette au-dessus où il sera écrit : l’inconnue du portrait ».
Elle dit aussi : « Les hommes manquent de courage. Seul, mon père fait exception à cette règle. Lui seul a tout affronté, tout supporté sans jamais se plaindre ».
Attablée dans ma cuisine ce matin, je décide de lire ce texte à mon mari, tant que le café est encore chaud.
Ses grosses mains font tourner la tasse longuement… Il fait vraiment une drôle de tête !
Odile
ÉDITION 2024
Le prix du café-lecture 2024 a été attribué à SAUVAGINES de Gabrielle Filteau-Chiba après plusieurs tours ! Une belle histoire de femmes et de nature dans l’immense forêt canadienne.
Chaque année, les participants créent des textes à partir des titres des livres lus :
JE N’AI PAS PEUR des animaux en général, ni du PINGOUIN, ni des SAUVAGINES, et j’ai même
parfois invité UN CHIEN A MA TABLE
comme au CIRQUE STÖLD.
CE QUE JE SAIS DE TOI, d’après ma MEMOIRE DELAVEE, c’est que souvent, tu prends UNE
LONGUE VUE et tu pars, seul,
observer les oiseaux au bord du lac gelé.
Puis, très vite, tu COURS,COLIN, tu COURS pour retrouver un peu de CHALEUR HUMAINE et dévorer
24 HEURES DE LA VIE D’UNE FEMME
au coin du feu.
Evelyne
Colin est heureux, il chante dans sa salle de bains. Il se fait beau pour son rendez-vous
d’amour.
A l’autre bout de la ville, elle l’attend Elle a préparé un somptueux repas. Elle allume la télé
pour tuer le temps.
La campagne électorale est lancée : Matrix contre Stöld. C’est le cirque !
Ce que je sais de toi, c’est que tu as la mémoire délavée.
Ce que je sais de toi c’est ton absence de chaleur humaine.
Le pingouin et un chien à ma table, pas question ! Nul besoin d’une longue vue pour savoir
qu’ils ne convaincront pas les sauvagines comme moi.
Cours, Colin, cours, va la rejoindre et va l’aimer passionnément
Tu marqueras à tout jamais 24h de la vie d’une femme.
Odile
Aujourd’hui j’ai le sentiment d’avoir la mémoire délavée.
J’ai eu la chance de partager les 24 heures de la vie d’une femme.
Cette femme c’était toi que j’ai passionnément aimée.
Ce que je sais de toi s’estompe de jour en jour et une longue vue me sera bientôt nécessaire pour voir et me souvenir de nos instants passés. En est-il de même pour toi ?
Pourtant, j’ai tant besoin de chaleur humaine, et avoir un chien à ma table ou encore le pingouin que m’a donné le cirque de passage, ne remplaceront jamais ta douce présence.
Maintenant, je n’ai pas peur de te perdre, tu es pour toujours dans ma mémoire et j’entends encore ta voix me dire, oublie Matrix et Stöld et cours Colin, cours après les sauvagines c’est là que tu me retrouveras.
Pierre
ÉDITION 2023
Très belle soirée le 5 juillet dernier à La Maison du Lac, pour le dernier café-lecture de la saison .
« Le Berger de l’Avent » de Gunnar Gunnarson est sorti vainqueur parmi les douze titres lus et analysés au Café-lecture cette année. Ce petit livre traduit de l’islandais sera également en compétition pour le Prix des Grands D’Monts 2023/24.
Puis nous avons reçu Jean-Bernard BOBIS, auteur yzeronnais qui vient de publier :
« Y’a pas de problème » … où le récit d’un long voyage en 2CV effectué dans les années 1970 par quelques étudiants en quête de liberté ! Une lecture aisée et souvent drôle que la présence de son auteur a rendue encore plus attractive. Merci à lui ! Ce livre est disponible à la bibliothèque d’Yzeron.
La soirée s’est terminée autour d’un repas servi par Didier qui est resté ouvert exceptionnellement pour nous. Merci à lui !
Petite énigme…Dans ces textes écrits par les participants, recherchez les titres des ouvrages lus cette année au Café-Lecture 😉
« Matrix ,mon demi-frère , est l’un des rescapés du Paris-Briançon, cette terrible catastrophe ferroviaire qui , il y a à peine un mois, fit beaucoup de morts et de blessés. Il s’en est sorti miraculeusement avec toutefois de nombreuses plaies et fractures.
Aujourd’hui je lui rends visite à l’hôpital : il va mieux physiquement mais le traumatisme est immense et sa vie entière est bouleversée.
De sa voix grave et profonde il me confie que, jusqu’alors il s’était toujours représenté son cerveau comme la commode aux tiroirs de couleurs dans laquelle s’accumulaient bien rangés les bons comme les mauvais souvenirs . Ils en sortaient de temps en temps quand il allait par les routes ou bien quand, dans la véranda, il écoutait la pluie tomber. Maintenant c’est différent. Ses pensées s’entrechoquent . Des images lui arrivent pêle-mêle : l’accident, les cris, les secours, l’inquiétude, il faut prévenir mon épouse etc..
Il veut sortir de l’hôpital vite, vite…
Dès qu’il sera rétabli il va grimper sac au dos sur l’Ile Haute. C’est un long et dur périple, il le sait. Mais, tel le berger de l’Avant, il parviendra au sommet.
Là, dit-il : « Je vais pouvoir laver les ombres et me libérer de ce qui a dévoré nos cœurs, me projeter dans ce que nous désirons le plus et rêver à l’enfant de la prochaine aurore. »
Odile
MATRIX
« Mon demi-frère s’en est allé par les routes un matin de février, sans un mot, ne laissant sur la commode aux tiroirs de couleurs, qu’une carte de France déchirée aux plis, sur laquelle il avait tracé des cercles rouges d’un coup de feutre assez épais.
Paris-Briançon, Toulouse, Poitiers, l’île d’Yeu, l’île de Groix, l’île haute, Quimper, Le Mans…autant de lieux qu’il avait cerclés tel le berger de l’Avent qui se doit d’estampiller ses moutons avant de monter à l’alpage.
Avec mille précautions, je dépliais à nouveau cette carte et songeais que ce que nous désirons le plus c’est bien de laisser des traces laver les ombres de nos vies. »
Evelyne
Résilience
« Je te le dis, ce qui a dévoré nos cœurs c’est l’avènement de Matrix. Ce film a bouleversé et modifié en profondeur notre société. Depuis nous espérons vainement que la nature reprenne ses droits.
En fin de compte, ce que nous désirons le plus, c’est voyager non pas en navette spatiale mais par les routes ou même prendre le temps d’un simple Paris Briançon en train. Quelle incongruité de nos jours !
Il nous faut reconstruire le passé du xxème siècle. L’autre jour, chez un chineur amoureux de vieilleries, j’ai retrouvé un objet inutile mais chargé de souvenirs, la commode aux tiroirs de couleurs de la tante Léontine.
Grâce à une reconstitution minutieuse du quotidien des années 1950, grâce à la patience des traces, nous pourrions réinstaller le berger de l’Avent et ses 300 moutons en Islande , peut-être même atteindre l’île haute, loin de ce monde artificiel et qui sait renouer avec mon demi-frère exilé. »
Dominique
« A cette époque, je décidais de tout lâcher et d’aller par les routes chercher je ne sais quoi. La première étape me mena dans les Balkans. Là-bas, il m’était vraiment difficile de me faire comprendre, mais les autochtones s’arrêtaient au bord de la route parfois longuement, pour m’orienter au mieux, et j’ai pu éprouver la patience des thraces.
J’avais un demi-frère, issu d’un premier mariage de mon père avec une certaine Aurore qui disparut un beau jour en abandonnant mari et enfant. Mon père s’était remarié et dans la famille maternelle -des paysans qui avaient la dent dure- on appelait ce jeune garçon l’enfant de l’Aurore. Moi je l’aimais bien. Notre enfance était heureuse, mais je sentais en lui des voiles de tristesse.
Lorsque je l’appelai pour lui dire que j’avais largué les amarres, lui qui ne quittait jamais son Queyras chéri, décida subitement de me rejoindre.
« ce que nous désirons le plus, c’est de revenir ensemble sur certains secrets de famille, n’est ce pas ? me dit-il. Tu te souviens de cette photo trouvée dans la commode aux tiroirs de couleur, avec au verso «Matrix 1944 »? … Pas facile de laver les ombres, de faire la paix avec ce qui a dévoré nos cœurs dans notre enfance, mais on peut au moins essayer ?
Et nous voici partis pour les Cyclades, dans cette île, hôte de rêve qui nous offrait sa beauté et surtout son calme. C’était l’automne, nous passions notre temps à écouter tomber la pluie et à fouiller dans les archives du village.
La photo de la commode, très abimée, pliée, usée, montrait un homme âgé, avec une petite fille échevelée à ses cotés.
Ils se tenaient devant une cahute en pierre, dans un paysage de rochers avec dans le fond quelques brebis qui paissaient tranquillement. En interrogeant des très anciens, nous apprimes qu’il s’appelait Josef. Il n’était pas selon eux originaire d’ici, il était arrivé à la fin de la guerre avec sa petite fille et était devenu le berger, de l’aventure qui les avait menés là, il n’avait jamais parlé. De toute façon, personne ne lui avait posé de questions. Il s’était installé dans cette masure de pierre. Il y vivait dans une solitude et une pauvreté absolues. Mais ce dont ils se souvenaient, c’est qu’un jour, au début des années 70, une belle jeune femme du nom d’Aurore était venu le chercher et l’avait emmené on ne sait où.
Le passé commençait à s’éclairer, nous avons décidé de continuer nos recherches ensemble, nous sommes rentrés à Paris puis mon frère a repris le Paris-Briançon pour rejoindre ses chères montagnes. »
Gisèle
ÉDITION 2022
Le café-lecture a élu comme livre de l’année 2022 : S’adapter de Clara Dupont-Monod.
En attendant le lancement de la prochaine saison, découvrez à travers ces farandoles, les différents ouvrages lus cette année :
Ce fut une année riche en émotions littéraires :
« Ce matin-là, je regardais le départ de La grande course de Flanagan à la télévision quand L’ami arménien de la famille frappa à la porte.
« Je t’ai apporté Une soupe à la grenade concoctée par Macha ! Tu sais comme elle a L’art de nourrir ses amis avec amour ! S’adapter est son maître mot. A New-York, c’est La fille qu’on appelle pour un encas de qualité à n’importe quelle heure ! »
Quand il est reparti, j’ai vu que le facteur avait glissé La carte postale sous la porte. Je la ramassais et souriais à la représentation d’un magnifique Lys de Brooklyn envoyé par ma fille aînée.
Quel beau début de journée : L’aube sera grandiose. »
ET
« Mercredi 29 juin 15H, je suis de permanence à la bibliothèque, j’arrive en catastrophe, c’est pas La grande course de Flanagan, mais presque. Et le café lecture à 17h ! je n’ai pas fait mon texte pour ce dernier café lecture de la saison où l’on joue à rassembler tous les titres lus dans l’année…
Il faut dire que j’ai vécu deux journées de ouf, depuis ce mardi… Ce matin là, j’ai d’abord reçu La carte postale de L’ami arménien. Elle arrivait en retard et m’annonçait sa venue pour …. tout de suite. Je suis souvent La fille qu’on appelle quand ca va mal, alors il a fallu S’adapter à cette visite inopinée. Moi qui ne pratique guère L’art de nourrir, j’ai d’abord concocté Une soupe à la grenade, il aime tant ça.
Il arrivait, avec pour moi un beau bouquet de Lys, de Brooklyn. On a parlé, parlé et, au terme de cette nuit, il m’a dit dans un beau sourire : tu vas voir, L’aube sera grandiose. Il est reparti pour New York.
Maintenant, il est 15h18, et moi, ca y est, j’ai fait mon texte. »
Café lecture du 8 janvier 2020 :
Premier café lecture de l’année !
Beaucoup plus de parts de galette que de participants hier, au café-lecture, mais nous avons pu débattre tout à notre aise de « La transparence du temps » de Leonardo PADURA sous l’œil attentif du roi Pierre et de la reine Jocelyne !
Café lecture du 4 décembre 2019 :
« La prébende de Châteauvieux »
Histoire de sa maison et de ses habitants
C’est en quelque sorte la généalogie de la maison qu’il a acheté en 1971 et où il habite encore avec son épouse Catherine que Gérard DUTAL a voulu retracer, dans ce documentaire. Construite en 1680 et devenue prébende en 1735, cette maison est attenante à la chapelle millénaire du hameau de Châteauvieux tout près d’Yzeron. Elle a vu défiler de nombreux habitants en commençant par des abbés, des familles nobles puis des familles bourgeoises célèbres qui venaient se mettre au vert… jusqu’à des receleurs !
Intarissable, c’est avec passion que Gérard nous a livré le fruit de ses recherches qui concernent autant la maison que les nombreux habitants qui se sont succédés.
Un livre souvenir de l’histoire du village d’Yzeron pour mieux « l’apprécier et reconnaître la chance que nous avons de vivre ici ». Une foule de petites histoires dans la grande Histoire.
Café lecture du 12 décembre 2018 :
Mécanicien en Antarctique
Suite à la lecture de « La mer des Cosmonautes » de Cédric GRAS, et après avoir ouvert ses portes à deux auteurs locaux, le café-lecture de décembre a invité cette fois-ci, un jeune homme à l’expérience hors du commun. Alors qu’il recherchait du travail, Henri Hétroy, mécanicien agricole de formation, , s’est engagé pour 15 mois sur une station de recherche scientifique en Antarctique. Mordu par le virus de l’expédition et des grands espaces blancs, Henri retournera 4 fois, en mission de plus ou moins longue durée, mandaté par le CNRS. Au-delà de l’éloignement et des conditions climatiques pour le moins hostiles, à chaque fois, nous a-t-il avoué … c’est le retour qui reste le plus dur à vivre ! C’est une expérience intense qu’Henri nous a livrée tout en nous conduisant dans un voyage où il a vécu « isolé de l’humanité mais tellement proche de l’homme ».